Comment faire évoluer le système représentatif pour réussir la participation ?
Les dispositifs déjà pratiqués font donc la preuve de leurs limites mais ont le mérite d’exister et de constituer un champ d’expérimentation intéressant. Ils contribuent indéniablement à améliorer le fonctionnement démocratique en transformant l’action publique. D’une part, comme lieu d’échange d’informations et d’expertises, ils permettent de créer l’occasion d’une confrontation de différentes visions du monde qui s’avèrent souvent compatibles voire complémentaires, réalisant effectivement le dépassement des clivages en vue de l’intérêt général. D’autre part, ils contribuent à la formation citoyenne et au bouleversement des représentations figées de la compétence politique. Enfin, ils permettent d’améliorer la gestion des affaires publiques par la mutualisation des expertises autant que par le contrôle (même implicite) de la maîtrise d’ouvrage que le dispositif engage sur le déroulement d’un projet.
Pour toutes ces raisons, il semble qu’il faille tenir dans l’expérimentation et améliorer les dispositifs existants en tenant compte des réserves précédemment émises et sans les institutionnaliser pour les laisser en dehors du champ du politique. C’est en effet la seule façon de les faire vivre et de les rendre efficaces sans qu’ils puissent être récupérés et du coup, rendus caducs.
Le défi est de taille et pour les démocrates, il s’impose comme une évidence : le chemin de la responsabilisation exige que nous inventions des formes nouvelles de gouvernance, que nous assouplissions les carcans des systèmes, que nous fassions confiance à ceux qui veulent ouvrir des portes plutôt qu’à ceux qui croient en détenir les clés…
Pour cela trois principes :
1) Oser la confrontation et ne pas avoir peur de créer des espaces où les conflits puissent s’exprimer pour décristalliser les passions et ne pas laisser se figer les caricatures. C’est souvent la peur de l’engueulade qui fait qu’on évite la discussion. Il est d’ailleurs assez étonnant qu’aujourd’hui on doive former et engager des gens formés à la médiation pour que les gens se parlent, alors que la relation humaine fonctionne sur la gestion permanente des conflits et que le conflit est sain dans un système naturel d’échanges à condition que soit garanti le respect des personnes.
2) Repenser la relation à la décision et donner d’emblée à la participation un horizon d’action plus vaste qu’elle-même. Si la démocratie participative n’a pas pour objet premier la prise de décision, elle ne peut se concevoir qu’en relation avec une décision à prendre.
3) Prendre acte de l’égalité de la responsabilité citoyenne et inclure dans les dispositifs le plus grand nombre de citoyens pour enrayer l’exclusion sociale et refuser le caractère inégalitaire de la démocratie telle qu’elle existe aujourd’hui. Cela sous-entend un accompagnement, une éducation à la participation et des moyens. La participation a un coût et en ce sens, elle constitue un choix politique.
Et trois moyens :
- Faire de la participation un axe programmatique dans les projets de nos partis et de nos mouvements et lui réserver des moyens.
- Poursuivre ou mettre en place à tous les niveaux décisionnels les dispositifs actuels de jury ou de conférence de citoyens, de débats et de budgets participatifs en combinant les formes pour tenir compte du double aspect délibératif et oppositionnel de la participation. Veiller à y intégrer à la fois les ONG expertes et les citoyens profanes. Il serait également intéressant de diffuser largement par le biais de la CNDP (conférence nationale du débat public) par exemple l’évaluation rendue systématique de ces dispositifs afin qu’ils puissent être mutualisés. Comme la légitimité politique est sanctionnée par l’échéance de l’élection, il est nécessaire en effet de donner une représentation également à la légitimité citoyenne afin qu’elle puisse être elle-même objet de critique.
- Instaurer l’obligation du mandat exécutif unique et du bilan régulier du mandat représentatif dans un cadre participatif. Ce bilan serait l’occasion pour les légitimités politique et citoyenne de se confronter et de mutualiser leurs expertises à intervalles réguliers sans pour autant que la durée du mandat soit remise en cause. Il ne saurait être question de substituer une légitimité à l’autre, nous l’avons dit, l’équilibre est une condition de réussite de la refondation démocratique. Nous partons ici du simple pari que le dialogue en lui-même est vecteur d’amélioration…
Conclusion
Nous reprendrons la conclusion de Corinne Lepage de retour du sommet de Copenhague, une sorte de cri du cœur prenant acte de la démission des politiques et de leur insuffisance à s’élever au-delà de l’intérêt particulier. « La société civile ne peut désormais plus compter que sur elle-même pour assurer son avenir, et c'est cette gouvernance qu'il convient d'organiser. » Mais ce cri qui exprime une idée juste n’est pas raisonnable pour autant! Les politiques et la société civile doivent trouver les modes d’échange qui leur permettront d’élaborer ensemble les règles d’une nouvelle gouvernance.
« Trouver des voies nouvelles de gouvernance pour le XXIème siècle » qui permettront de faire exister la démocratie participative, représentative et écologique, tel est le défi au niveau local comme à l’échelle mondiale. La participation est devenue un principe depuis la loi du 27 février 2002 qui oblige « la participation du public au processus d’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement dès lors qu’ils présentent de forts enjeux socio-économiques ou ont des impacts significatifs sur l’environnement ou l’aménagement du territoire ».
Les outils existent qu’il faudrait pouvoir expérimenter, rôder et généraliser à tous les étages de la décision publique. Reste la volonté politique, la nécessaire évolution des mentalités des décideurs en la matière, le changement de regard.
Et ne nous dites pas que la crispation du politique réactionnaire sur ses prérogatives est inévitable et que quand nous serons nous-mêmes élus, nous ferons comme les autres… ;-)
Marie-Pierre Barrière
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