A quelques jours de l’université de rentrée du Mouvement Démocrate, il n’est pas inutile de rappeler quels sont les défis économiques et financiers qui attendent l’Europe pour les mois à venir. D’autant plus que, à ce jour, le bilan de la gestion de la plus grave crise depuis 1929 n’a pas répondu aux attentes de nombre d’Européens. De cette crise, les décideurs politiques européens pouvaient en faire une opportunité. Or, le bilan est décevant : les mesures n’ont pas été suffisamment ambitieuses. L’Europe doit pourtant être pionnière et trouver les voies de son propre modèle de croissance et d’emploi. Le manque d’empressement des Etats-Unis à converger vers une nouvelle gouvernance économique mondiale ne saurait être un prétexte à l’inaction.
Une fenêtre d’opportunité existe encore et les vrais enseignements peuvent être tirés. Espérons que les gouvernements européens sauront agir. Après les élections législatives en Allemagne le 27 septembre, le couple franco-allemand pourrait jouer plus particulièrement un rôle moteur en ce sens.
En pratique, voici cinq directions où l’Allemagne et la France pourraient proposer des initiatives communes :
1. Soutenir des mesures communes face à la crise. Tout nouvel effort doit se faire de façon concertée, plutôt que de façon unilatérale comme le propose Nicolas Sarkozy via son emprunt. Au sein d’un marché unique européen, les initiatives de relance fonctionneront d’autant mieux qu’elles seront coordonnées. Par quels moyens ? Un grand emprunt européen serait financièrement plus avantageux que la somme des emprunts nationaux. Dans quelle direction orienter cet emprunt ? Tous les programmes des principaux partis politiques européens au cours de la campagne de juin dernier ont insisté sur l’importance de soutenir les nouveaux vecteurs de croissance et d’emploi, celui des technologies de l’environnement, de l’efficience énergétique, des transports propres, du très haut débit… Les gouvernements allemands et français pourraient jouer un rôle fédérateur, en appelant en particulier les représentants des industriels, des PME et des institutions financières européennes (comme la BEI) à mieux travailler ensemble, à faire jouer les synergies et les économies d’échelle. Il en va ici de la compétitivité future de l’Europe.
2. Relancer le dossier de l’harmonisation fiscale, que les gouvernements n’ont pas été en mesure de rouvrir à ce jour. Plus que jamais la crise montre que les politiques de concurrence fiscale au sein de l’Union européenne sont plus nuisibles qu’avantageuses. Les pays qui ont voulu fonder leur avantage comparatif sur la fiscalité, comme l’Irlande dans la zone euro, sont particulièrement touchés par la crise. Leur modèle de croissance économique se fondant sur l’investissement étranger direct grâce à un faible taux d’impôt sur les sociétés est ainsi apparu particulièrement vulnérable. Une fiscalité juste et économiquement efficace n’est-elle pas souhaitable ? Il faut relancer le projet de faire converger progressivement les impôts dont les taux diffèrent au détriment de l’économie européenne, comme l’impôt sur les sociétés et la fiscalité de l’épargne.
3. Elaborer une charte économique et financière européenne pour remettre la finance au service de l’économie réelle. Les mesures envisagées jusqu’à ce jour sont un minimum. L’Europe devrait élaborer une véritable charte des principes fondamentaux de régulation de la finance, qui aurait une valeur juridique contraignante pour tous les établissements financiers. Cette charte proposerait des mesures plus ambitieuses sur la suppression des paradis fiscaux, la nécessité d’instaurer une véritable autorité régulatrice européenne, l’obligation de réguler tous les acteurs financiers, la séparation des métiers bancaires et financiers, ou encore l’encadrement des bonus des traders (en renforçant par exemple les fonds propres des banques en fonction des risques plutôt qu’en différant seulement, comme cela vient d’être annoncé, le paiement des bonus). Pourquoi ne pas aussi unifier les bourses existantes européennes au sein d’une seule bourse au service de l’intérêt collectif européen ? Commençons par les bourses allemandes et françaises.
4. Rendre plus solide la gouvernance économique européenne, à commencer par celle de la zone euro, et indiquer les voies de redressement des finances publiques, particulièrement en France. Les pays de la zone euro doivent examiner ensemble les moyens de mieux coordonner les politiques budgétaires. Les premiers mois de la crise l’ont montré : la zone euro est fragilisée par la situation financière préoccupante de certains Etats. L’un des premiers enseignements est donc bien qu’il faut adosser au transfert de la souveraineté monétaire une politique économique commune. L’Allemagne et la France pourraient appeler à la mise en œuvre d’instruments d’action nouveaux comme une ligne de crédit adossée à la BCE, un Fonds monétaire européen, qui pourrait venir en aide aux Etats membres défaillants au sein de la zone, ou encore une agence européenne d’émission de la dette publique pour réaliser des emprunts européens. Bien sûr, la France ne sera pour sa part crédible que si elle annonce en parallèle un plan de redressement des finances publiques fondé sur des mesures solides et convaincantes. Son endettement est sur le point d’atteindre des niveaux records. Plus le pays attend plus la spirale financière sera difficile à maîtriser.
5. Enfin, les gouvernements allemands et français pourraient appeler l’Union européenne à parler d’une seule voix dans les organisations économiques internationales, comme le FMI ou la Banque mondiale. La mesure peut paraître symbolique, mais elle serait particulièrement forte. Elle constituerait le signal de la volonté de l’Europe d’œuvrer pour une nécessaire nouvelle gouvernance économique mondiale. Une gouvernance plus régulée en confiant, par exemple, au FMI le rôle effectif de surveillance systémique mondiale, ou en dotant l’Organe de règlement des différends de l’OMC du pouvoir d’arbitrer non sur la seule base des règles économiques concurrentielles, mais aussi en fonction d’impératifs environnementaux et sociaux.
Voilà quelques pistes d’action. La réflexion de Générations Engagées devrait, je n’en doute pas, en susciter de nombreuses autres.
Stéphane Cossé
|