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Cher Guildem
Ah, ben voilà ! Là, on progresse !
"J'aurais tendance à dire : une grosse proportion, à mon grand regret." Nous sommes d'accord. Vous avez fait, en écrivant cela, un grand pas dans le sens de mes conclusions. Encore un, et vous allez les rejoindre. Vous allez voir pourquoi.
En fait, ce que vous me reprochez, c'est une chose que je n'ai pas faite. Vous me reprochez d'avoir écrit qu'Internet est un outil intrinsèquement mauvais. Mais je n'ai pas écrit cela. Un outil, en soi, est rarement intrinsèquement bon ou mauvais. Un couteau peut servir à tuer comme à donner du pain. Tout dépend, et en cela je vous rejoins, de l'usage qu'on en fait.
Ce que j'écris, et c'est le sens de mon article, c'est que la nature humaine étant ce qu'elle est, Internet est aujourd'hui employé comme un outil de renforcement des convictions acquises plutôt que comme un outil d'ouverture vers d'autres idées et d'autres visions du monde. C'est la même chose, en somme, avec la télévision. La TV pourrait être un outil de culture et d'éducation ; elle l'est d'ailleurs pour un certain nombre, réduit, de gens. Mais nierez-vous qu'elle est aujourd'hui de façon massive plutôt un outil d'abrutissement que de culture ? Cela n'est pas dû à une perversité intrinsèque de la TV, mais plutôt à une perversité intrinsèque de la nature humaine. La TV peut diffuser Molière aussi bien que Bigard ou "La Ferme des célébrités" ; il se trouve que le cours général des choses, la nature humaine et le système économique font qu'elle diffuse surtout Bigard et "La Ferme des célébrités". On peut le déplorer, mais on est bien obligé de le constater.
Contrairement à ce que vous affirmiez dans votre premier commentaire, je ne confonds pas Internet avec l'usage qui en est fait. Je dis que l'usage qui en est fait aujourd'hui massivement fait d'Internet plutôt un outil de fermeture. Comme je pourrais dire que l'usage qui en est fait aujourd'hui massivement fait plutôt de la TV un outil d'abrutissement. En ce sens, Internet n'est pas spécialement différent des autres médias, radio, presse ou TV : bien qu'il ait ses spécificités propres, il sert essentiellement, comme les autres médias, ce à quoi la majorité de ses utilisateurs le font servir. D'où ma formule finale : "C'est dommage, mais c'est comme ça". C'est dommage, car Internet pourrait précisément servir à autre chose : c'est comme ça, parce que la nature humaine mène à ça.
Dès lors, si la majorité des utilisateurs cherche d'abord à renforcer ses convictions, Internet sert d'abord à renforcer des convictions. CQFD. Je ne dis pas autre chose.
Et à partir du moment où vous reconnaissez que les gens qui veulent renforcer leurs convictions sont "une grosse proportion", vous allez dans mon sens. Lorsque vous admettrez qu'ils composent la majorité, vous m'aurez rejoint.
Parlons maintenant de votre vision d'Internet. Vous écrivez : "je vois Internet comme un média pas (encore trop) pourri par les lois, les gouvernances, les blocages, la censure, donc comme un média de dialogues, d'échanges, de partages." Il y a deux choses que je trouve très intéressantes dans votre phrase : le "donc". et les mots que vous utilisez à la fin.
Les mots, d'abord. "Dialogues, échanges, partages"...Je suis d'accord. Avec néanmoins cette précision qui n'est pas de mince importance : dialogues, échanges et partages D'ABORD ET AVANT TOUT ENTRE PERSONNES QUI SONT DEJA DU MEME AVIS. Pour vous en convaincre, allez seulement jeter un coup d'œil sur les fils de commentaires de Rue89 et autres Causeur : vous verrez quel sort est réservé aux avis de ceux qui ne partagent pas l'opinion majoritaire. De mon point de vue, c'est tout sauf du dialogue et de l'échange. Cela s'apparente plutôt à du "mobbing".
Le "donc", ensuite. Vous opposez d'une part "lois et gouvernances" et de l'autre "échanges et partages". J'admets volontiers q'un excès de censure limite les échanges ; mais faut-il penser pour autant qu'il n'y a échange et partage que dans le cadre débridé d'une absence totale de lois ? L'expérience montre en général que l'absence totale de loi et de gouvernance ne mène pas à une société "d'échanges et de partages" mais plutôt à une société stratifiée et inégalitaire du type "renards libres dans un poulailler libre". Attention : je ne dis pas cela pour prôner des lois et des règlements encadrant Internet, mais seulement pour souligner tout l'implicite que contient votre "donc". J'aime assez pour ma part la liberté qui règne sur le net ; mais je pense que cette liberté contribue à la fermeture des esprits ci-dessus dénoncée. Car qui dit liberté dit floraison, qui dit floraison dit sélection (les journées n'ont que 24 heures) et qui dit sélection dit critères de choix, la nature de ces critères nous ramenant à la question précédente.
Bon, je ne veux ps vous lasser ; j'en ai déjà écrit beaucoup. Il y aurait encore pas mal de choses à dire à propos de votre second commentaire, notamment sur les notions de "pensée unique" et de "vrais débats" au sein d'Internet. Je livre seulement ceci à votre réflexion : il n'y a pas de pensée unique sur Internet, c'est vrai ; mais pouvez-vous considérer un instant qu'il y a DES PENSEES PARALLELES, dont la caractéristique première serait de ne jamais - ou quasiment jamais - se croiser ? C'est une image, évidement.
Avec mes amitiés, et mes remerciements pour votre contribution.
CR. |
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