L'expression "offre politique" me met mal à l'aise... peut-être autant que la montée du FN dans les sondages. Il me faut pourtant reconnaître que cette offre existe, et donc que "la demande" politique existe. Or, les citoyens ne sont véritablement citoyens que s'ils agissent dans la société avec la conscience d'en être des acteurs à tous les niveaux.
Accepter de se laisser manipuler par les sondages, par les collusions politico-médiatiques, et par les détournements de fonds publics, c'est renoncer à une part essentielle de ce qui fait la citoyenneté, donc de ce qui fait tenir debout et vivante notre démocratie.
Toute la faute n'est pas à placer dans la société de consommation, modèle de société où la liberté de choisir la plus importante est celle de l'instant, notamment de l'instant présent. Effectivement, des mauvais réflexes sont devenus des habitudes jugées généralement normales, acceptables voire même bonnes. Changer de voiture, d'ordinateur ou de téléphone portable se fait idéalement non plus par besoin, mais par attraction pour la jouissance, la puissance et la reconnaissance sociale.
Le consommateur en quête de ces sensations est de plus en plus handicapé à l'heure des choix de société, des choix économiques globaux. Le consommateur qui se redécouvre momentanément citoyen n'a plus de recul et avoue qu'il n'a pas assez d'informations pour choisir. Il vote pour "le moins mauvais". Cette expression est généralement utilisée pour désigner l'offre, les candidats des partis politiques. Le citoyen ferait bien de se rappeler plus souvent que lui-même s'est placé dans cette situation du « moins mauvais ». Il est le moins mauvais citoyen possible.
Or le citoyen pourrait chercher plutôt à être le meilleur possible. Que s'est-il passé? Pourquoi est-ce devenu si difficile de prendre cette décision? Cette décision de faire son bonheur en tant qu'Homme complet. (Ceci est, depuis Erasme et consors, la définition du projet humaniste).
Citoyen, quelle est ta demande? Citoyens, quelles sont vos demandes? Les partis cherchent à interpréter les réponses à ces questions pour proposer une offre. Mais ils cherchent l'offre gagnante à court terme. Évidemment, ce n'est pas le long terme seul qui y perd, mais avec lui le sens. Quel sens a notre vivre-ensemble? Quel sens a notre action politique?
Je fais partie de ceux qui se souviennent avec émotion, et sans doute amertume ou regret, l'année 2007 au MoDem, où il s'était toujours agi de rassembler les divers bords. Cela avait du sens. Pourtant, cette quête a été écrasée par le populisme de l'instant médiatique. J'ai eu tendance comme beaucoup à considérer que c'était "la masse" qui était idiote, car elle manquait de considération à l'égard des projets rassembleurs (j'ajoute au passage que se faire traiter de bisounours quand on s'évertue à perpétuellement regarder les problèmes sociétaux et économiques en face, c'est profondément désagréable ;-).
Ceci est à considérer : En voulant rassembler, et en ne portant pas les coups là où ça fait mal, un candidat à une élection n'est pas crédible non plus. Sacré paradoxe sur lequel butent toutes les formations politiques.
Je me pose des questions profondes sur la temporalité politique et sa limite face à la nécessité de l'intérêt général. En effet, les politiques de long terme ne sont pas favorisées par les élections sous leur forme actuelle, trop fréquentes. Quel rapport y a-t-il avec la nécessité de porter un projet politique capable de susciter la confiance des électeurs? Le voici: En voulant rassembler plus qu'une majorité mathématique, en voulant rassembler une vraie majorité consensuelle, on est amené à « construire des ponts plutôt que des murs ». L'entreprise collective visant la réalisation du pont nécessite beaucoup d'énergie et notoirement plus de temps que le projet de construire un mur. Comment concilier cela avec la temporalité des élections? Deuxième paradoxe.
Actuellement, ces paradoxes ne sont gérables au sein d'un parti qu'avec un pouvoir fort. Ce qui rajoute un paradoxe.
Il faut donc avoir un chef persuadé du sens de l'intérêt général et qui sait communiquer sa foi à ses "troupes". Mais il faut que ce chef soit d'abord crédible sur presque tous les plans (idées politiques, stature, capacité à rassembler, "passer à travers l'écran pour rejoindre le téléspectateur" -c'est mon père qui m'a dit ça-, etc.)
On en demande trop au chef politique et pas assez au citoyen. C'est pour cela qu'il faut créer des ponts: pour que les citoyens mesurent leurs responsabilités dans la création d'un espace de vivre-ensemble. Ils en demanderont alors moins au chef et pourront choisir plus sereinement une personne pour ce fameux mandat présidentiel, bien trop monarchique encore.
Guillaume D.
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