Une ou deux attitudes ont eu raison de ma patience quant au bipartisme. Trois mots, juste trois mots.
Facile
Facile. Trop facile. Les sondages des derniers jours, tant sur la primaire socialiste que sur un hypothétique second tour d’élection présidentielle de 2012, portent l’abrutissement du citoyen à son niveau le plus haut depuis longtemps. Si j’étais sarcastique, je dirais que ce niveau avait été atteint en 2002. Mais comme je suis bien plus inquiet par la montée du clan-famille-parti-dynastie (rayer la mention inutile) responsable du séisme de 2002 que je ne suis sarcastique, je me garderais bien de comparer 2002 à 2012. Le risque est trop grand. Toujours est-il que le bipartisme sondagier qui transforme chaque candidat, prétendu candidat, candidat de secours ou que sais-je encore, pourvu qu’il soit socialiste, en futur Président de la République, est un des symptômes les plus clairs de la facilité intellectuelle à laquelle conduit le bipartisme. Sauf que nous vivons une période difficile. On veillera donc à trouver des réponses simples, mais pas des réponses faciles pour remédier aux crises qui secouent notre pays.
Déstructurant
Autre vice, bien plus caché, du bipartisme : son caractère déstructurant. Les tenants de la facilité évoqués à l’instant diront le contraire : quoi de plus structurant, en effet, qu’un choix binaire ? La multitude pardi ! La multitude des propositions a un grand mérite que le bipartisme n’a pas : elle hiérarchise les priorités. On vote massivement pour un candidat écologiste ? D’accord, l’écologie devient la priorité numéro un, la feuille de route, et toutes les autres priorités sont classées ensuite, selon les choix exprimés dans les urnes. On vote massivement pour un candidat libéral ? Ok ! la libéralisation de la société et de l’économie est placée en haut de l’ordre du jour. Là où ça commence à coincer, c’est quand on vote massivement pour un catalogue de propositions formulées par les partis attrape-tout (les politistes parlent de catch all parties) que génère un bipartisme soucieux de satisfaire chacun. Le catalogue, il annonce des mesures, il les aligne. Mais il ne les hiérarchise pas. D’où la forte critique sous forme de question adressée au Président de la République un an après son élection : « mais au final, c’est quoi le programme ? ».
Lassant
Lassant, enfin, le bipartisme. Lassant parce que ses acteurs se sentent obligés de détricoter tous ceux que leurs prédécesseurs ont tricoté. Reconnaissons que c’est beau, Pénélope qui tisse et retisse en attendant son cher Ulysse dans l’Odyssée. Sauf qu’Ulysse, la France ne l’attend plus. Aussi, lorsque le Parti Socialiste qui fourmille de propositions nouvelles (bonnes ou mauvaises, je me garderai bien de trancher sur Générations Engagées ; mais en tout cas, oui, le PS est en ébullition programmatique en ce moment !) se contente, pour faire parler de lui, d’annoncer l’abrogation de cette réforme-ci, et l’abrogation de cette réforme-là, je me lasse du bipartisme. Hélas, le mal n’est pas français. C’est ainsi qu’en moins de vingt-et-un jours, les députés américains, désormais républicains en majorité, ont gagné le premier round contre la réforme de la santé de Barack Obama. Une abrogation en bonne et due forme votée par la Chambre des Représentants. Lassant, je disais…
Nicolas Vinci
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