Dans un discours martial prononcé au lendemain des incidents du quartier de la Villeneuve à Grenoble, Nicolas Sarkozy a proposé de durcir la législation sur la déchéance de nationalité. « La nationalité française se mérite et il faut pouvoir s’en montrer digne. » a-t-il affirmé le 30 juillet. Le ministre de l’intérieur en a remis une couche en proposant d’étendre ces mesures aux cas d’excision et de traite d’êtres humains.
Mais notre Président aurait-il oublié que la nationalité constitue une forte part de notre identité et que ce n’est pas un domaine où l’on peut légiférer de manière précipitée avec légèreté. Rappelons que les déchéances massives pratiquées pendant la 1ère moitié du 20ème siècle l’ont été sous le régime de Vichy.
Rappelons qu’actuellement la loi ne prévoit que quelques cas de déchéance: une condamnation pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, pour terrorisme, ou une condamnation pour concussion, corruption ou détournement de fonds publics, pour insoumission, ou pour des activités d’espionnage.
Afin d’éviter toute dérive, la procédure est très encadrée : déchéances prononcées par décret uniquement après avis conforme du Conseil d’Etat.
La décision publiée au JO est susceptible de recours.
La déchéance est une affaire grave « Sorte d’arme atomique destinée à dissuader non à être utilisée » résume Patrick Weil, historien de l’immigration.
En annonçant une extension des procédures, le gouvernement joue donc avec le feu.
Tout d’abord, Nicolas Sarkozy a parlé de « français d’origine d’étrangère » comme s’il y avait deux sortes de citoyens français. Notre Président aurait-il oublié l’article 1 de la constitution « la France doit assurer l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. »
Notons aussi qu’aujourd’hui les déchéances ne peuvent être prononcées que dans les dix ans qui suivent la naturalisation, jamais après.
Le Président oublie-t-il aussi que la France a signé une convention du Conseil de l’Europe qui proclame que « l’apatridie doit être évitée »
Même un rapport de l’ONU s’inquiète de la politique de notre gouvernement.
Ce projet reviendrait à catégoriser les Français : les français en sursis ayant acquis leur nationalité depuis moins de 10 ans donc susceptibles de la perdre et les autres… « les français de souche ». Qui peut accepter cela ?
Enfin en déclarant « je souhaite que l’acquisition de la nationalité française par un mineur délinquant au moment de sa majorité ne soit plus automatique » le 30 juillet, Nicolas Sarkozy remet en cause un des principes fondateurs de la loi de 1998 sur la nationalité : le droit du sol. Osera-t-il ? Ceci est un autre débat..
Comme dans beaucoup de domaines, le gouvernement sera le gouvernement du recul et non des avancées, mais ce qui est encore plus grave c’est qu’une nouvelle fois il porte une grave atteinte au domaine des droits fondamentaux…
« C’est contraire à l’esprit républicain et c’est une faute politique parce que le cœur du problème c’est le sentiment de ces Français, que Monsieur Sarkozy appelle d’origine étrangère de demeurer malgré leur carte d’identité des étrangers de la nation. »
Robert Badinter
Virginie Votier
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